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L’EXTRAVAGANT BAPTEME DU GILBERT


J’avais vingt-deux ans lorsque j’ai été baptisé. C’est un peu tard me direz-vous ? Mais je vous rassure, ce baptême n’avait rien à voir avec une religion quelconque, cela se passait pendant la dernière guerre. Mon bateau, le « Richelieu », était basé à Trincomalee, au nord-ouest de l’île de Ceylan. Nous avions pour mission, avec l’escadre alliée, de déloger les Japs de Java et Sumatra, ce qui n’était pas marrant du tout car les kamikazes japonais plongeaient avec leurs avions « zéros » sur les bâtiments qu’ils pouvaient atteindre ; sous nos yeux, j’ai vu un croiseur hollandais exploser et sombrer, et malgré notre puissance de tir, nous n’étions pas rassurés. Nous avions cependant quelques répits car nous devions aller nous ravitailler en mazout à Exmouth, au nord-ouest de l’Australie. Il fallait passer « la ligne », c’est-à-dire l’équateur . Croyances de la marine à voile, malheur aux marins qui ne seraient pas baptisés par le grand Neptune, Dieu des océans.

Pour rompre la monotonie du bord et donner du répit à l’équipage, le commandant décida de notre baptême. A midi tapant, le soleil dardant ses rayons sur nos têtes, le bateau fut stoppé sur la ligne de l’équateur, et le baptême commença !


Les gabiers et les charpentiers avaient construit avec les moyens du bord une sorte de piscine sur la plage avant.Un costaud de matelot déguisé en Neptune présidait la cérémonie. Il était assisté de quatre gars aussi costauds que lui qui allaient chercher les néophytes, officiers et matelots, dans tous les coins du navire et la cérémonie pouvait commencer. Il fallait être propre pour l’occasion, aussi avec un grand rasoir (factice, bien entendu) en bois mais bien imité, on nous rasait après nous avoir enduit de savon à barbe et les sbires de Pétrus Pompilus nous plongeaient la tête dans l’eau salée et naturellement, on buvait la tasse ! Nous avions alors la bénédiction du grand Neptune. A la sortie du bain, on nous offrait un beau croissant tout doré et toujours affamé comme on l’est à cet âge, nous croquions dedans, hélas il était bourré de charpie de ficelle…


Beurk ! Heureusement, pour fêter l’événement, nous eûmes droit à un repas amélioré à midi avec double ration de « tafia », le vin n’étant pas au menu dans l’océan indien. Puis la vie a repris à bord, comme à l’habitude, mais j’ai gardé le beau certificat qui a maintenant plus de soixante ans, et qui avait été fabriqué artisanalement car les temps étaient difficiles.


Souvenirs. Souvenirs…

Gilbert PARENT

Tag(s) : #Les gens
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