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Martin d'Amance, dominicain inquisiteur à Metz

Extrait de : « Sorcellerie et emprise démoniaque à Metz et au pays messin (XIIème XVIIIème siècle) André Brûlé l’Harmattan 2006

L’on ne peut manquer de remarquer que, sur une liste de onze inquisiteurs dressée par Dom Calmet, tous sont des dominicains, qu’au moins sept d’entre eux sont issus du couvent de Metz, deux du couvent de Verdun. Sont ainsi mentionnés Garin de Bar-le-Duc (vers 1326), Renaud de Ruisse (Reginald de Rucesses selon J-M. Vidal) mort en 1345, Jean de Bonne Fontaine  (Jean de Fonte pour J-M. Vidal) (vers 1355-1356), Martin d’Amance (décédé en 1409). Nicolas de Hombourg (vers 1391), Laurent de Neupont (de Nodosoponte) (1414, 1421). Jean d’Alizey (aux alentours de 1400), Frère Mathias, Nicolas  Savin (Nicolle Savini), Christophe d’Anchery (nommé  inquisiteur au diocèse de Verdun le 17 mai 1520), . Jean Beguinet (nommé pour Verdun en 1540, décédé  le  14 décembre 1558).

 

Il semble que, de plus. Laurent de Neupont ait délégué ses pouvoirs au diocèse de Verdun à  Léonard Listard le 11 juin 1421 et que Jean d’Alizey ait agi de même en faveur de Jean d’Ivoy (vers 1400) dans le ressort des diocèses de Tout et de Verdun[1].

J-M. Vidal signale déjà la présence  d’un inquisiteur en Lorraine avant 1310, dont le nom n’a malheureusement pas été retenu, celle de Jean Brucelli (avant 1420) et d’Ulrich de Torrente (1420, 1424[2]). C’est dire que la Lorraine et les cites épiscopales demeurèrent sous la férule de l’Inquisition durant toute la période médiévale et au-delà, que les dominicains en eurent la direction, leur couvent de Metz pouvant être considéré comme une véritable pépinière d’inquisiteurs.

Nous accorderont une attention  toute particulière à deux d’entre eux, Martin d’Amance, issu d’une illustre famille lorraine, la Maison d’Amance, et Nicolas Savin (Nicolle Savini), ce dernier fort actif à l’encontre des sorciers et des hérétiques.

De Martin d’Amance les archives municipales de Metz ont conservé le testament ainsi que l’inventaire de sa bibliothèque[3]. Selon Dom Calmet, lequel bénéficie d’indications qui lui furent livrées par le R. P. Échard, Martin d’Amance aurait été nommé Censeur d’hérésie aux diocèses de Metz, Toul, Verdun et Besançon et par la suite, évêque de Gabale et suffrageant de Metz.

De fait, une commission donnée en Avignon le 13 novembre 1381 par le pape Clément VII au cardinal d’Aigrefeuille,. le nomme à l’évêché de Gabale ainsi qu’à la coadjutorerie des évêchés de Metz et de Toul, étant bien entendu que les évêques de ces deux sièges devaient lui assurer une pension suffisante[4].

Ce texte précise que Martin d’Amance était maître en théologie (in theologia magister) et inquisiteur en Lorraine (et in Lotharingia heretice pravitatis inquisitor. Il est des lors possible que ce fut lui qui instruisitt, en 1372, la procédure à l’encontre de Bietris. de son mari, des deux autres femmes et de Villlaume de Chambre. Ce fut du reste le premier procés dont font état les chroniques messines, procès mentionné au début de notre travail. La peste, qui régna à Metz de 1404 à 1411, n’est peut-être pas étrangère à son trépas, survenu le 21 octobre  1409. Sa dépouille mortelle sera enterrée dans la nef de l’église de  son couvent à Metz.

La pièce détenue par les archives messines n’est pas un testament holographe. Le manuscrit original avait été placé dans l’airche, avec certaines reconnaissances de dettes pour un montant de 150 livres. Il s’agit en fait d’un document faisant état de révélations orales recueillies et exposées par Jehan Thirrion (tantôt orthographié Thirion) drapier demeurant à Metz; En Vesugnuef, agissant comme seul exécuteur  testamentaire,  tous les autres mainbours s’étant récusés. Enregistrement en est fait par un « notaire publique », en présence de témoins appelés et requis dont un certain Jehan Damance, « masson » de profession, le 20 novembre. l’an de l’incarnation 1409, soi l’« an premier de la création de très Saintet Père en Jésus Christ » le pape Alexandre, élevé au pontificat « par la divine puissance de Dieu[5] » ‘La véracité des propos de Jehan Thirrion  est garantie par un serment qu’il prête « enz sanctes ewangiles par lui corporellement touchés ». Même  exigence est requise de Colignon l’orfèvre, commis à l’estimation des biens meubles (vaisselle d’or et d’argent, joyaux diamant….). auxquels viennent s’ajouter 7 cauwes de vin rouge entreposés dans l’hôtel particulier de Martin d’Amance, quatre autres cuves étant conservées en un cellier. Précision est donnée qu’il s’agit d’un vin détenu en garantie d’un prêt accordé a un vigneron d’Ars-sur-Moselle.

Se rapportant uniquement à des biens temporels. les déclarations de l’exécuteur testamentaire ne font pas état d’un éventuel testament spirituel. Bien peu devait lui cri chaloir. Néanmoins la composition de la bibliothèque du dominicain permet d’approcher les préoccupations qui étaient les siennes en ce domaine

L’inventaire des ouvrages laissés par l’inquisiteur, « une huche (coffre) plaine de livres de diverses manières » sera dressé par la suite, le 24 septembre 1410. première année du pontificat de Jean XXII[6]. Jehan de  Millerey, « maistre ens ars et bachelier en loys » ainsi que maître Hugues de Bussignecourt, « bachelier en droict, official de la court de Metz » feront bénéficier l’exécuteur testamentaire de leurs connaissances en telles matières. A part un « pontifical » rendu à l’église de Metz et deux autres restitutions, dont l’une à l’abbé de Sainit-Arnould, tous ces manuscrits seront remis, selon les dernières volontés de  Martin d’Amance « à religieuse personne frère Jacques Nowilley de l’ordre des prêcheurs de Metz ».

Cette bibliothèque rassemblait 63  volumes, grands, moyens ou petits, parfois déjà rédigés sur papier. mais le plus fréquemment sur parchemin, à couvertures rouges, noires ou blanches, auxquels venaient s’ajouter 5 liasses de cahiers comportant divers écrits, parmi lesquels des notes de théologie, de moralité ainsi que des sermons. En bonne place les ouvrages religieux : Bibles, Évangiles, missels, Apostilles  sur l’Apocalypse. oeuvres de saint Thomas d’Aquin: dont « ung breif traictier dez articlez de la foy et des sacrements de l’église », la Table de saint Thomas  d’Aquin,  un Traité des exemples, un autre Traité sur les vertus et les vices,« aulcunes questions de théologie », « un livre de maistre Hugues de Sainct Victor des sacrements de l’église » (De sacramentis). Les oeuvres philosophiques ne font pas défaut traitant de métaphysique, logique. morale. S’y associent « plussieurz chosez de gramaire » les statuts monastiques des Bénédictins et des Frères prêcheurs. une étude portant sur les hérésies. écrie en roman, ainsi que le Trésor des Pauvres (Thesaurus Pauperum), traité de médecine composé par Pierre le Spaignoix  (l’Espagnol). lequel sera élu pape le 13 septembre 1273 (Jean XXI).

 

[1] Dom A. CALMET, Histoire de la Lorraine, tome IV, p 545-546

[2] J.M. VIDAL, ouvrage cité, p XXX et XXXI

[3] AMM FF 202. liasse 4, Inventaire des livres et testament de Martin d’Amance, évêque de Gabaluche.

[4] J.M. VIDAL, ouvrage cité, p 447-448 (n° 316)

[5] Il s’agit d’Alexandre V, élu pape en 1409 par le concile de Pise, pape illégitime.

[6] Successeur d’Alexandre VI en 1410. Il sera déposé au concile de Constance, qu’il avait convoqué en 1414.

Tag(s) : #Moyen-Age, #Amance, #Metz
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