Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un promeneur qui se baladerait aujourd’hui, sur le côté sud du village ne verrait rien de bien réjouissant : des mirabelliers quasi centenaires qui tendent vers le ciel leurs branches mortes que personne ne taillent, des arbres abattus, certains vergers à l’abandon, des sentiers obstrués par les ronces, et des parcs à moutons. Des vignes, il n’y en a plus guère et c’est bien dommage.

Comme on dit : « ah ! de mon temps ! » Oui, de mon temps, outre les vergers et les sentiers bien entretenus, car c’était une nécessité, le côteau était recouvert de vignes et chaque famille faisait son vin. Certains propriétaires, vignerons de profession, vendaient leur production à Nancy et ne vivaient que de cela mais presque tous avait une vigne.

Il est vrai que de tout temps, avant que le phylloxera ne ravage les vignes, le vin d’Amance avait une solide réputation dans la contrée, réputation aussi solide que celle des vins de Toul. A la cour des Ducs de Lorraine et à l’archevêché (les curés ont toujours apprécié le bon vin) on buvait le vin d’Amance. On trouve d’ailleurs sur le cadastre du village le lieu dit « les vignes le duc » coteau particulièrement bien exposé et cela remonte au temps de Sophie de Bar. Il ne faut pas oublier non plus que depuis 1608, sur le blason du village, figure un cep de vigne chargé de raisins, c’est tout dire !

Après le phylloxera, des vignes furent replantées avec du Léon Millot ou le plus souvent avec de l’Oberlin, celui-ci, noir comme de l’encre, tachait verres et bouteilles. Le temps des Ducs était bien passé mais les vignerons restaient fidèles à leur production et, bon an mal an, leur vin était très buvable. Oh ! il n’aurait pas rivalisé avec les grands crus des régions plus clémentes mais c’était un vin honnête et surtout il était de chez nous.

Mon père cultivait sa vigne avec amour. Il était méticuleux pour l’entretien de la futaille, méticuleux pour la vinification et paraît-il, son vin était un des meilleurs du pays.

Mais revenons à la vendange. Elle se faisait fin septembre, après la fête du village car alors, la fête n’avait pas lieu en juin mais à l’automne lorsque les dernières récoltes avaient été rentrées. Pour la vendange, les gens s’entraidaient, des équipes de vendangeurs partaient dans les vignes dès que la rosée était quelque peu tombée. Courbées sur les ceps, les femmes coupaient le raisin, rires et plaisanteries fusaient, on se racontait les derniers potins du village et malheur à ceux qui ne participaient pas à la cueillette, ils étaient rhabillés pour l’hiver ! Mais le travail avancé, les paniers remplis de raisins, étaient vidés dans les « tendelins », de solides hottes en bois qui, remplies, pouvaient atteindre les 50 kilos. Et les hommes remontaient le coteau par des sentiers escarpés avec ces lourdes charges qui à l’arrivée, étaient vidées dans de larges cuves, Le raisin était ensuite écrasé, dans la soirée, par les jeunes filles qui, les jupes retroussées au dessus des genoux, le foulait avec vigueur. On allait alors, garnements que nous étions, profiter de l’occasion pour reluquer leurs gambettes et faire des commentaires qui sembleraient, aujourd’hui bien innocents, mais qui, à l’époque, nous auraient valu d’être menacé de l’enfer avant d’avoir à numéroter nos abattis, s’ils étaient tombés dans l’oreille de nos parents.

Le premier jus coulait de la cuve était versé dans un tonneau qui après fermentation deviendrait le vin gris. Les bonnes années, il titrait 13 voire 14 degrés. Mis en bouteille par la suite et cacheté de cire, on le conservait précieusement car il serait servi dans les grandes occasions comme la communion des gamins ou le mariage de la gamine. Ce qui coulait ensuite servait à la consommation courante.

Le travail enfin terminé, tous les gens de la vendange se retrouvaient le soir devant un repas plantureux arrosé des meilleurs vins du pays et pour terminer cette bombance, on sortait les vieilles bouteilles de mirabelle ou de marc juste après le dessert. Ah ! les desserts ! Je me souviens encore de ces tartes aux pommes ou aux quetsches grandes comme des roues de charriots qui avaient été cuites au four du boulanger.

Quand la vendange était terminée chez l’un, on recommençait chez l’autre.

Les vendanges qui animaient le village durant une bonne quinzaine ne sont plus qu’un souvenir, il ne rest plus que quelques rares vignes qui disparaissent les unes après les autres, et bientôt le seul cep qui restera sera celui des armes d’Amance. Même l’odeur des énormes tartes ne parfume plus les soirées de septembre : le boulanger, lui aussi, a disparu.

Ce temps des vendanges n’est pas si loin, pourtant c’était une autre vie, c’était une autre époque……….

Gilbert Parent

Tag(s) : #Témoignages
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :