(l’indiffé-)
LES ORIGINES 35
rence de son oncle Henri, alors évêque de Toul. En fait le prélat protesta, mais ne put faire aboutir ses revendications. Il se plaignit au pape Eugène III, qui, de Paris, menaça le duc de sanctions ecclésiastiques (1148), mais en vain. Mathieu fut excommunié et le duché mis en interdit par Adrien IV en 1155. On ne sait quand l’affaire fut définitivement réglée sur le plan ecclésiastique, mais on se doute qu’elle ne dura guère. Entre-temps, probablement en 1153, au cours de sa traversée du pays, le jeune roi Frédéric Ier Barberousse remit à son beau-frère, le duc Mathieu, la fonction comtale sur le Toulois. Dès lors, l’action ducale se trouvait justifiée a posteriori. Les chanoines et l’évêque avaient en vain « découvert » un diplôme du roi Dagobert, interdisant à quiconque de bâtir une forteresse à moins de quatre lieues de la cité: il fut totalement inutile.
Le duc concrétisa son installation par la fortification du lieu. Il choisit un maire qui serait chargé de le représenter sur place, n’y mit pas de châtelain, mais des chevaliers pour la garnison. Au temps de Simon II, le maire, un certain Renaud, se fit tristement remarquer en tuant, sans raison apparente et avec l’aide de ses acolytes, deux serfs de l’Eglise de Toul, habitant Dommartin. Le territoire ducal subit alors l’interdit et pour le faire lever, Simon accorda aux hommes de ce village un droit d’usage dans la forêt de Haye. Cet événement confirme que le duc contrôlait l’étendue boisée comprise dans la boucle de la Moselle; on verra plus loin qu’il y avait installé les moines de Clairlieu.
Une autre extension se fit vers l’est avec l’intégration d’Amance. Sur un éperon, pourvu d’une grosse motte, se trouvait là un château depuis le x siècle; le duc Thierri 1er l’avait détenu, puis la forteresse était passée à ses descendants, comtes de Mousson et de Bar. Les paroisses principales de Dommartin et d’Agincourt appartenaient aux moniales messines de Sainte-Glossinde. Vers 1190, le comte de Bar Thiébaut Ier maria sa fille unique Agnès au fils de Ferri de Bitche, appelé Ferri comme son père et déjà considéré comme l’héritier de son oncle, le duc Simon II; la dot d’Agnès était considérable, car elle comprenait les trois forteresses d’Amance, Longwy et Stenay. En 1206, Ferri le jeune devint effectivement duc; il établit le douaire de la duchesse Agnès sur Nancy et Gondreville. Si quelques difficultés survenues avec le comte de Bar ne lui permirent pas de détenir Amance de 1208 à 1214, le développement du duché en direction de l’est n’en
36 HISTOIRE DE NANCY
était pas moins acquis. Gondreville d’un côté, Amance de l’autre, constituaient au XIII° siècle deux solides appuis de l’autorité ducale à Nancy.
Dans la vallée de la Meurthe, elle s’exerçait jusqu’au confluent avec la Moselle. Le temps n’était pas encore venu d’édifier un château à Frouard, mais les ducs se présentèrent en protecteurs de l’abbaye des nonnains de Bouxières sur l’autre rive; leur mainmise était achevée au XIII° siècle, quand l’abbesse Marguerite dirigea en même temps Remiremont, Saint-Pierre-aux-Nonnains et Bouxières, suivie par Agathe, soeur de Ferri II, qui de 1231 environ à 1242 gouvernait à la fois Bouxières et Remiremont. A la demande du duc Ferri II, le chapitre des religieuses accepta en 1212 de céder aux moines de Molesme tous leurs droits sur l’église Saint-Dizier.
Vers le sud, le duc se heurtait aux Messins représentés par les moines de Gorze à Port et à Varangéville, où deux prieurés existaient. Le premier était devenu rapidement célèbre depuis qu’on y conservait une relique du saint évêque de Myre, Nicolas; le pèlerinage y fit affluer les marchands et en gonfla les revenus. Le duc, qui tenait le Vermois, accorda bientôt sa protection intéressée à cette région. De la sorte une domination quasi continue lui permettait de contrôler la vallée de la Meurthe de Frouard à Deneuvre, où là encore il se heurtait à l’évêque de Metz.
LA COUR
Les ducs de Lorraine, tout au long du XII° siècle, ne jouèrent pas un rôle de premier plan. Ce furent des personnalités assez modestes, même Mathieu 1”, beau-frère de Frédéric Barberousse. Le seul membre de cette famille qui ait montré quelque dynamisme est Ferri de Bitche, qui reçut en 1179 la partie germanique du duché, tenue en fief de son frère Simon II. Henri de Lorraine, frère de Simon Ier et évêque de Toul, eut un long pontificat de quarante années, dominé seulement par l’installation des nouveaux ordres monastiques. Thierri de Lorraine, richement prébendé à TouI, gouverna pendant six ans l’évêché de Metz avant d’être déposé. Mathieu, comte de Toul après son père Mathieu Ier, fonda un lignage cadet, qui dura à peine plus de trois générations.
Après Gérard Ier (1048-1070), fondateur de Nancy et de Prény, et Thierri Il (1070-1115), qui installa des moines à Nancy et doubla
(L’ESSOR URBAIN (1218-1431))
48 HISTOIRE DE NANCY
à l’administration ducale; la fortune de Nancy tient surtout à son rôle administratif: la forteresse-palais remplace Prény et devient le centre nerveux du domaine ducal. Elle réussit pour finir par organiser une certaine activité économique.
L’essor commercial de Nancy frappe toutefois par sa lenteur. Cette ville, en effet, est d’abord dominée en ce domaine par Saint-Nicolas, situé à une douzaine de kilomètres au sud, où aboutissent les routes de la Meurthe et de la Moselle. Cette agglomération est dotée de plusieurs foires, quatre au total, dont la plus ancienne, celle de Sainte-Croix, est attestée au tout début du XIII° siècle. A son « port », sont embarqués le sel du Sanon et de Rosières, le fer de Chaligny et le blé du Vermois; le change apparaît dans les documents en 1243. Son trafic majeur porte sur les toiles, la laine et les draps, il enrichit les négociants locaux, dont certains sont implantés à la fois à Saint-Nicolas et à Nancy, et vivifie les campagnes environnantes: sa destruction par les Suédois au XVII° siècle permettra au marché de Nancy de s’imposer; mais il faudra attendre la fin du XV° siècle (après 1477) pour qu’un pont franchisse la Meurthe à Malzéville, et, vers 1500, la halle de Nancy abrite moins de dix étaux de bouchers. Les conquêtes furent progressives.
L’essor des voies transalpines au XIII° siècle vivifie les itinéraires vosgiens, les vallées de la Meurthe et de la Moselle qui confluent au nord de Nancy (fig. 5). La forteresse ducale capte les routes reliant le Toulois au Saulnois; les convois de sel passent plus volontiers par Nancy que par l’ancienne route jalonnée par les antiques castra d’Amance ou de Liverdun; sur la rivière circulent de « grandes nefs ». A partir des années 1280, les princes, confortés par les rois d’Allemagne, ne cessent d’encourager ces itinéraires qui, reliant plus directement la Flandre à l’Italie, se détournent progressivement des foires de Champagne. En 1322, le duc Ferri IV accorde un sauf-conduit aux marchands de Metz qui transportent laines et draps vers la Lombardie en passant par Nancy et le col de Bussang; il fixe le tarif des droits de passage à six sous tournois par balle de laine, et autant par pièce de drap. Avant le premier registre de comptes du péage qui soit conservé (1475-1480), on n’en sait pas beaucoup plus; pourtant, un acte du duc Raoul éclaire un peu cette ombre: en 1340, il confirme l’assignation faite au prévôt de Saint-Georges d’une rente annuelle de vingt livrées de terre sur le passage des balles par Nancy; la somme
LES MISERES DE LA GUERRE 169
En apparence, la soumission du prince lorrain était totale: pendant quelques mois il resta fidèle aux dispositions du traité de Liverdun. Mais Charles persistait à choisir le camp impérial. La mort de Gustave Adolphe de Suède, le 16 octobre 1632, contraignait la France à l’intervention directe dans la guerre de Trente ans. Dans cette perspective, il était indispensable d’assurer ses arrières et de tenir solidement les places-fortes lorraines. L’occasion fut fournie par l’expédition de Charles IV, accouru à Haguenau pour porter secours aux troupes impériales menacées par les Suédois. Le parlement de Paris s’empressa de déclarer la saisie du Barrois mouvant, pour lequel le duc n’avait pas prêté hommage, et l’armée royale se prépara à attaquer la capitale ducale.
LE SIÈGE DE 1633
Malgré leurs efforts de dernière heure, Charles IV et son frère, le cardinal Nicolas-François, ne purent fléchir la volonté du roi et de son ministre. Le 24 août 1633, Louis XIII était à Bar-le-Duc, le 28 à Pont-à-Mousson, le 29 à Amance et le 30 à Saint-Nicolas-de-Port. Le 31 août, le siège de Nancy commençait, et le lendemain, on entamait les travaux d’investissement (fig. 14). Tous les ponts sur la Meurthe et la Moselle furent coupés jusqu’à Pont-à-Mousson; seuls, les bacs de Frouard et de Gondreville restèrent en place, mais étroitement surveillés par les troupes françaises. Un retranchement, à peu de distance des ouvrages de la place-forte, fut édifié grâce au travail incessant de six mille soldats et de dix mille paysans champenois réquisitionnés. Des renforts de troupes permirent à l’armée royale de compter trente mille hommes et quatre mille chevaux, alors que les défenseurs étaient dix fois moins nombreux, sous le commandement du marquis Henry de Mouy, gouverneur de Nancy. Le duc Charles avait quitté la ville, y laissant sa soeur Henriette de Phalsbourg. La situation des Nancéiens devint encore plus délicate avec la capture des troupeaux communaux et l’incendie des moulins. Dès avant l’investissement, des mesures avaient été prises pour ne laisser dans la ville que les « bouches utiles ». Les paysans des localités voisines ne pouvaient s’y réfugier. En fait l’ordonnance ne put être efficacement exécutée. On devait évacuer les « vieilards, impotentz, femmes veuves chargées d’enffans, servantes de personnes médiocres qui ne sont absolument nécessaires quoyque bonnes au travail...; les pauvres qui pourront marcher sortiront de l’hospital